Se cacher derrière un masque consiste à dissimuler ou à réprimer quelque chose en nous : des émotions, des traits de personnalité, des comportements ou des symptômes. Il s’agit d’un mécanisme d’adaptation utilisé pour rester en sécurité, échapper à la vue des gens ou « s’intégrer » — on peut même se cacher derrière un masque sans le savoir.
Les gens se cachent derrière un masque pour des raisons diverses, notamment l’acceptation sociale, la nécessité économique et parfois, la peur. Dans la vie quotidienne, se cacher derrière un masque peut être un outil utile pour aider à composer avec certaines situations sociales, à se sentir en sécurité, à maintenir ses limites personnelles et à préserver son intimité. Nous ne voulons pas forcément partager tout ce qui nous concerne avec chaque personne que nous abordons; un masque nous permet de décider ce que nous souhaitons montrer.
Malheureusement, les personnes ayant des problèmes de santé mentale et de dépendance ressentent souvent le besoin de se cacher derrière un masque pour garder un emploi, trouver un logement ou simplement être acceptées. Lorsqu’on demande aux gens comment ils vont, leur réponse est d’emblée « ça va » ou « bien » parce que c’est ce qui est acceptable d’un point de vue social, même si la personne passe une mauvaise journée ou vit une situation difficile. Les personnes ayant des problèmes de santé mentale ou de dépendance ont tendance à se cacher derrière ce « je vais bien », jour après jour. Avec le temps, le fait de porter ce masque constamment, quelle qu’en soit la raison, peut conduire à d’autres problèmes de santé mentale et de santé physique ou à leur aggravation.
Cacher son identité de genre ou son orientation sexuelle pour rester en sécurité, physiquement et psychologiquement.
Cacher un handicap non apparent, y compris un trouble mental, pour ne pas se voir considérer comme une personne « faible » ou différente.
Cacher les caractéristiques naturelles de la neurodivergence (fonctionnement atypique du cerveau, notamment l’autisme, le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité et la dyslexie) pour se conformer à ce qui est considéré comme normal1,2.
Cacher un problème de dépendance ou utiliser des substances pour soulager le stress ou les symptômes du trouble mental et de la détresse.
Présenter une image idéalisée de sa vie sur les médias sociaux3.
Gérer sa réputation en se comportant de manière professionnelle en milieu de travail, ou poliment en public, n’est pas la même chose que de porter un masque. Démontrer de la gentillesse et de la courtoisie, même lorsque nous sommes en difficulté, c’est pratiquer la compassion. Se cacher derrière un masque consiste plutôt à dissimuler des choses sur nous-mêmes pour que les autres nous acceptent; c’est un effort constant. Voilà la différence entre se montrer sous son meilleur jour lors d’un entretien d’embauche (gérer sa réputation dans une situation donnée) et maintenir constamment ce moi idéalisé pour que les autres nous acceptent.
La stigmatisation, c’est-à-dire l’étiquetage, les stéréotypes ou les croyances négatives, envers les personnes ayant des problèmes de santé mentale ou des problèmes liés à l’utilisation de substances reste un obstacle majeur à la recherche de soins. Selon Statistique Canada, en 2018, près d’un quart des personnes identifiées comme ayant des préoccupations liées à la santé mentale ont déclaré ne pas avoir cherché à obtenir un soutien en santé mentale; 17,2 % de ces personnes se disaient mal à l’aise de parler de ces problèmes avec d’autres4. En 2022, un sondage Léger a révélé que 95 % des personnes vivant avec un trouble de santé mentale étaient victimes de stigmatisation5.
Les personnes atteintes de maladies mentales intériorisent souvent la stigmatisation reflétée par la société, ce qui les pousse à ce que l’on appelle l’autostigmatisation. L’autostigmatisation peut amener les gens à avoir honte et à penser qu’ils sont moins dignes que les autres. En plus d’être un obstacle à la recherche de soins6, l’autostigmatisation conduit à une faible estime de soi7 et à de faibles niveaux d’espoir et d’autonomisation2. Le sondage Léger de 2022 a également révélé que 72 % des personnes vivant avec un troubles de santé mentale ont fait état d’autostigmatisation5.
On constate même une stigmatisation plus prononcée envers les personnes vivant avec une maladie mentale grave et chronique comme la schizophrénie ou un trouble bipolaire et celles ayant des problèmes de consommation de substances, qui subissent davantage de discrimination et de préjugé que celles vivant avec une dépression ou de l’anxiété6.
Il n’y a pas de norme. Nos traits de personnalité, nos caractéristiques physiques et nos sentiments se situent sur un spectre. Il en est ainsi pour tout le monde. Si certains comportements sont plus courants, ils ne sont pas pour autant normaux1. La notion de normalité se base sur les croyances populaires d’une société à un moment donné. La normalité est une construction sociale; ce qui est considéré comme normal évolue avec le temps. Il n’y a pas vraiment de façon « normale » de se sentir, de se comporter et d’agir.
Chaque personne est plus qu’elle n’y paraît et devrait se sentir libre d’être vue et entendue, et de s’exprimer sans crainte. La lutte contre la stigmatisation et la discrimination et la pratique de la compassion peuvent nous aider à créer une société où les gens se sentent en sécurité de se confier et d’être eux-mêmes.
Ensemble, agissons pour une santé mentale sans masque.
Références (en anglais)
1 McKinney, A., O’Brien, S., Maybin, J.A., Chan, S.W.Y., Richer, S. & Rhodes, S. (2024).
Camouflaging in neurodivergent and neurotypical girls at the transition to adolescence and its relationship to mental health: A participatory methods research study. JCPP Advances, 4(4), e12294. https://doi.org/10.1002/jcv2.12294
2 Hull, L., Petrides, K., Allison, C., Smith, P., Baron-Cohen, S., Lai, M.-C., & Mandy, W. (2017). “Putting on My Best Normal”: Social Camouflaging in Adults with Autism Spectrum Conditions. Journal of Autism & Developmental Disorders, 47(8), 2519–2534. https://doi.org/10.1007/s10803-017-3166-5
3 Jedrzejewska, A., & Dewey, J. (2022). Camouflaging in autistic and non-autistic adolescents in the modern context of social media. Journal of Autism & Developmental Disorders, 52(2), 630–646. https://doi.org/10.1007/s10803-021-04953-6
4 Statistique Canada. (2019.) Besoins en soins de santé mentale, 2018. https://www150.
statcan.gc.ca/n1/pub/82-625-x/2019001/article/00011-fra.htm
5 Mental Health Commission of Canada. (2023.) Anti-stigma research backgrounder. https://mentalhealthcommission.ca/wp-content/uploads/2023/04/Anti-stigma-Research- Backgrounder.pdf
6 Huggett, C., Birtel, M. D., Awenat, Y. F., Fleming, P., Wilkes, S., Williams, S., & Haddock, G. (2018). A qualitative study: experiences of stigma by people with mental health problems. Psychology & Psychotherapy: Theory, Research & Practice, 91(3), 380–397. https://doi.org/10.1111/papt.12167
7 Prizeman, K., Weinstein, N. & McCabe, C. (2023). Effects of mental health stigma on loneliness, social isolation, and relationships in young people with depression symptoms. BMC Psychiatry 23, 527. https://doi.org/10.1186/s12888-023-04991-7
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